Auteur de bestsellers et réalisateur de documentaires mis en scène, Michael Moore récidive cette fois-ci en s’intéressant aux armes à feu. Pourquoi les Etats-Unis comptent-ils autant de morts par arme à feu ? Sous une logique implacable il démonte les prénotions racistes et retourne sur des terres connues : la responsabilité des hommes politiques et des média.

L’Amérique a peur

La peur comme moteur de la consommation d’armes à feu et comme type de "gouvernance", la peur comme pousse au crime, voici ce qu’avance Michael Moore, ni plus ni moins, au cours de son enquête. Ce réquisitoire peut à priori sembler simpliste mais il traduit une pensée construite, basée sur l’écoute de différents intervenants et des interviews rendues possible grâce au culot de ce brave américain moyen.
Il a compris la mayonnaise médiatique et s’en sert pour parvenir à ses fins. Il convie par exemple la presse devant le siège de K-mart, une des plus grandes chaînes d’hypermarchés des USA qui vend, comme beaucoup d’autres, des armes et des munitions en quasi libre-service. Rien d’exceptionnel. Sauf qu’il a convaincu deux victimes de la fusillade de Colombine dont l’un se traîne tant bien que mal dans son fauteuil roulant (mais dont les capacités mentales son intactes) de l’accompagner. Quel lien avec K-mart ? Les blessures qui ont à jamais marqué la vie de ces deux adolescents proviennent de balles vendues par ce groupe d’hypermarchés. Le dénouement sera surprenant.
Mais ces distractions ne doivent pas faire oublier certaines questions davantage intéressantes notamment celles-ci : pourquoi le Canada qui est aussi très équipé en armes à feu connaît proportionnellement 11 fois moins de crimes que les Etats-Unis ? Pourquoi la couverture media sur les crimes s’est accrue de 600 % alors que, dans le même temps, la délinquance chutait de 20 % ? Pourquoi le délinquant est-il forcément noir alors que la majorité des crimes de sang sont commis dans les banlieues blanches par des blancs ? L’Amérique blanche a peur et est prête à tout pour préserver son pouvoir, pour se conserver.

Et la France ?

En quoi cette œuvre peut nous intéresser ? Au-delà du raisonnement et de l’éclairage qu’elle apporte sur ce fait de société états-uniens, elle met en évidence un lien fort entre politique et média, le comportement d’une société guerrière avec ses conséquences tant en politique étrangère qu’en comportement interne.
La dérive sécuritaire que connaît la France paraît s’appuyer sur les mêmes ressorts. Une véritable mise en garde à l’heure où le gouvernement de droite libéral renonce progressivement aux minima sociaux, n’augmente pas le smic et enferme progressivement les plus faibles dans une logique de travail à bas prix. N’omettons pas non plus la dérive sécuritaire, l’enfermement des plus jeunes, une politique du tout répressif.
Le tout répressif repose sur la peur. Arrêtez d’avoir peur et méditer ce chiffre : une centaine de mort par an par arme à feu en France, 8000 morts sur les routes.
Et vous vous sentez plus en sécurité en bagnole ?
Lorsque l’intérêt général est confondu avec celui d’une minorité, lorsque le faible ne peut survivre, lorsque les inégalités s’exacerbent, lorsque l’on pratique la peur comme politique de gouvernance alors l’on place une société entière sur une poudrière dont les conséquences seront pires que le mal.
Méditez cette phrase : « une société, c’est fait pour vivre ensemble ».

Plus qu’un raisonnement final, Bowling for Colombine de Michael Moore constitue une invitation à aller plus loin, une incitation à comprendre.