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![]() Les hommes entre eux D’entrée pourtant, on craint le pire. Une partie de cartes dans un bistrot parisien qui tourne au concours d’argot et l’on se dit que l’on a peut-être affaire à une pénible resucée du folklore Lautner-Audiard. Mais nos inquiétudes sont vite dissipées quand arrivent l’exposition de l’intrigue et la présentation des personnages. Soit une bande de petites frappes entre deux eaux, deux coups, deux vies. Jacques (joué par un Gérard Lanvin plus Ventura que jamais) sort de prison, bien décidé à se ranger et retrouve ses amis dans le café, qui leur sert de repaire. Il renoue avec le fragile Francis (émouvant Jacques Gamblin), malfrat paumé, qui vit chez sa mère et ne rêve que de théâtre. Il fait aussi la connaissance de Didier (fabuleux Clovis Cornillac, constamment au bord de l’abîme), Scarface en survêtement, les nerfs à vif et le cerveau embrumé. Cette petite semaine de retrouvailles ne se passera bien sûr pas comme un modèle de réinsertion réussie. La malédiction dérisoire et tragique, qui poursuit ces personnages frappera de nouveau. Le Milieu d’en bas Mais l’intrigue, qui se suit avec attention de bout en bout, finalement passe au second plan car elle est éclipsée par une peinture attendrie de ce Milieu d’en bas. Loin des fantasmes sur le gangster héroïque et subversif, Karmann nous livre un beau portrait de groupes, entre petites galères et choix existentiels. On y parle RMI, ASSEDIC, ruptures conjugales et familiales mais aussi échappatoire par le théâtre ou par l’amour. La vie, la vraie quoi ! C’est tout le miracle du film, qui nous rend si proche et familière cette bande de pieds nickelés, dont les moeurs et le code de l’honneur ne nous semblent plus si désuets. Karmann ne tombe jamais dans l’écueil du misérabilisme car il filme ses « héros » avec dignité et un infini respect. Ce n’est jamais la visite au zoo, le film reste toujours dans un salutaire premier degré même si on sent que les acteurs prennent un grand plaisir à jouer dans ce registre, si populaire chez nous. Ils ne cabotinent jamais, ne sortent pas les numéros convenus (le sage, le chien fou etc …) mais interprètent leur rôle avec sobriété et efficacité. Le filmage nerveux, souvent caméra à l’épaule, de Karmann les met d’ailleurs particulièrement en valeur. Bref, on espère que ce polar artisanal et modeste, bénéficiera d’un bon bouche à oreille et saura se faufiler parmi les inévitables blockbusters estivaux. |
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