Un film de Jane Campion
Pays d'origine Etats-Unis
Durée 1h42
Sortie en France 17/12/2003

Avec
Meg Ryan (Frannie Thorstin)
Jennifer Jason Leigh (Pauline)
Mark Ruffalo (le détective James A. Malloy)

Production Laurie Parker et Nicole Kidman
Distribution Pathé Distribution, France




 

In the cut
 
Peur sur la ville
 

11/12/2003
Il faudra bien un jour écrire l’histoire du thriller érotique, ce sous-genre bâtard qui a explosé dans les années 90 à Hollywood grâce aux coups de pic à glace d’une Sharon Stone mi-garce mi-victime. Cet entremêlement explicite du suspense, de la peur et du sexe a donné peu de chefs d’œuvre, ce n’est rien de le dire mais s’est imposé comme un nouveau standard du cinéma populaire.
La surprise est donc grande de retrouver Jane Campion, une décennie après sa Palme d’or, à la mise en scène de ce « In the cut », qui s’inscrit dans la droite ligne de ces polars se voulant sulfureux. Toutes les recettes du genre y sont développées avec un certain talent, l’ensemble est très divertissant, voire même prenant dans sa dernière partie mais l’on ne s’attendait pas à le voir signer par une cinéaste labellisée « auteur international pour festivals prestigieux ». Aurait-elle abdiqué toute ambition personnelle pour se mettre au service de stars en quête de changement d’image ? Ou bien a-t-elle réussi à introduire sa vision singulière et son univers dans ce film policier ?

Sex crimes

« In the cut », en dépit de son intrigue de téléfilm, est avant tout un portait de femme, tel que Jane Campion nous en propose depuis une quinzaine d’années. Soit cette fois Frannie (Meg Ryan qui passe donc du sucré au salé), professeur célibataire à New York, férue de poésie et dont on comprend assez vite les frustrations nées d’une trop grande solitude affective. Son attirance pour Malloy, le ténébreux policier latin qui enquête sur un meurtre sordide commis en bas de chez elle, la prend de court. Elle tombe amoureuse de sa bestialité vulgaire mais ne peut s’empêcher de le soupçonner. Serait-il impliqué dans cet assassinat qu’il prétend élucider ? Ainsi se met en place le classique mouvement d’attraction – répulsion, qui sert d’épine dorsale au film. Ce qui la fascine au plus profond d’elle-même, la met parallèlement en danger.
Le film déroule alors les fils entrecroisés de l’enquête et de la relation Frannie – Malloy. Un bon vieux Whodunit tient le spectateur en haleine pendant que les ébats de la prof et du flic nous sont montrés sous un angle particulièrement suggestif. Le film prend bien soin de multiplier les fausses pistes quant à l’identité du tueur et réserve même quelques moments de tension bien amenés. Bref, une fois passée l’exposition un peu trop appuyée, « In the cut » prend sa vitesse de croisière et ménage un suspense de facture très correcte.

Presque réussi

L’impression finale est donc étrange car si on a le sentiment assez fort d’avoir seulement vu un honnête produit manufacturé, la mise en scène du film en rehausse largement l’intérêt. Jane Campion capte bien la dureté urbaine qui émane d’une ville comme New York. Son héroïne, qui semblait flotter au début dans son monde parallèle, se voit rattraper par cette jungle citadine. On notera particulièrement le filmage serré qui permet de suivre de très près les déambulations du personnage de Meg Ryan, intellectuelle évanescente perdue dans un univers violent qu’elle découvre brutalement. Le travail sur les couleurs et les différents motifs formels est très soigné aussi, permettant au film d’installer régulièrement des ambiances sombres et angoissantes. On n’oubliera ainsi pas de sitôt l’écran de vapeur dans lequel plonge Frannie pour accéder au dernier cercle de l’enfer.
Un sentiment de malaise saisit donc progressivement le spectateur à travers le cauchemar éveillé de l’héroïne. Elle se raccroche notamment en vain à des petits fragments de poésie, lus dans le métro, comme autant d’illusoires rappels de sa vie antérieure. Sa vie avant ce déferlement sanguinaire et la crudité des pulsions, qui l’entourent désormais.
Un regret tout de même concernant les fameuses scènes sexuelles, qui risquent bien d’être l’argument commercial du film mais qui déçoivent par leur esthétique convenue. On attendait mieux de la part de celle, qui avait su filmer avec ferveur la relation brûlante entre Holly Hunter et Harvey Keitel dans «La leçon de piano ». Jane Campion ne convainc donc pas complètement pour sa première incursion dans le cinéma de genre, notamment parce que son féminisme intelligent ne s’immisce que trop peu dans ce thriller. Mais on attend avec impatience son prochain rebond, dans ou hors le système hollywoodien.

.::Samuel
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