Le couperet
 
 

07/03/2005
J’avais lu et beaucoup aimé il y a quelques années le bouquin de Donald Westlake du même nom. Costa-Gavras en livre une adaptation dans un contexte culturel français ce qui modifie un peu le point de vue, et quelques éléments. Malgré tout, c’est une remarquable transposition de cette passionnante et dérangeante intrigue.

José Garcia joue le rôle d’un cadre sup modèle et performant qui s’est fait virer de sa boite au bout de quinze ans, et qui ne trouve pas de boulot après plus de deux ans d’inactivité. Viré pour cause de délocalisation, ce licenciement lui tombe sur la tête, mais c’est surtout la somme de désillusions qui accompagnent cette rupture qui lui font perdre la boule. Au bout de deux ans, il est sur le fil du rasoir, il ne trouve toujours pas de boulot, son niveau de vie est sur le point d’en pâtir et ses repères sociaux sont bouleversés.

En voyant la pub corporate d’une autre société de papier, et en particulier un type qui a la fonction à laquelle il rêve, et à laquelle il excellerait, il fomente un plan diabolique. Il n’a qu’à tuer ce type, et attendre qu’on le recrute. Mais la concurrence existe, et il sait qu’il n’est peut-être pas le meilleur des candidats. Aussi il crée une annonce similaire, et attend de recevoir des candidatures par courier. Il les trie, et se retrouve avec 4 CV des mecs susceptibles de lui voler son job. Il décide donc de les tuer, avant d’en finir avec celui qui est à sa « place ».

Le film est à la hauteur du livre parce qu’il est servi par deux comédiens qui sont sensationnels. José Garcia et surtout Karine Viard (à mon avis) ont relevé le défi avec énormément de talent. Evidemment, il fallait aussi un Costa-Gavras pour filmer une histoire pareille. Il dénonce le système capitaliste dans lequel nous vivons à travers la folie meurtrière d’un homme qui est prêt à tuer pour retrouver un boulot, et donc un statut, un niveau de vie, une place dans la société.

Le film a un peu des relents des années 80 et moins d’aujourd’hui, malgré une localisation dans le nord de la France pour donner un visage industriel sinistré. On pense aux années 80 à cause des premières charrettes de cadres qui ont tout perdu (familles, amis, situations et parfois la vie) après quelques années de chômage, alors qu’ils se pensaient des élites indispensables à la société, des intouchables. On a alors eu un changement de mentalité drastique qui a bouleversé la classique répartition des cadres pro-patronat et des ouvriers anti, puisque ce n’était que ces derniers qui étaient auparavant touchés par les restructurations. On retrouve bien cette perte des valeurs chez José Garcia, et son incapacité à réagir devant cette situation. Il est incapable de chercher un autre job ou bien de se reconvertir. Et il finit par perdre tout sens commun, en assassinant ses concurrents dans un plan machiavélique et macabre.

José Garcia est fabuleux dans ce rôle à contre-emploi, et il assure vraiment dans la peau de ce serial killer flippant. Il exprime avec beaucoup d’authenticité les sautes d’humeur de son personnage qui oscille continuellement entre des déprimes vertigineuses suite à ses actes, et des sortes de phases de jubilations lorsqu’il entrevoit une issue. Karine Viard est excellente en femme aimante et qui essaie d’accompagner son mari, mais qui ne comprend pas bien l’étendue de la psychose qui le gagne. Je l’ai trouvée beaucoup plus nuancée et subtile que dans ses derniers films.

Mais lisez aussi le bouquin, il déchire vraiment !!

.::Matoo
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