Un film de Darren Aronofsky
Pays d'origine USA
Durée 1h42
Sortie en France 21/03/2001
Sortie Mondiale
2000

Avec
Ellen Burstyn (Sarah Goldfarb)
Jared Leto (Harry Goldfarb)
Jennifer Connelly (Marion Silver)
Marlon Wayans (Tyrone C Love)
Christopher Mc Donalld (Tappy Tibbons)
Louise Lasser (Ada)
Marcia jean Kurtz (Rae)

Scénario D. Aronofsky et H. Selby Jr
Musique Clint Mansell
Production Thousan Words et Artisan Entertainment
Distribution Sagittaire Films

Livre original:
de hubert Selby JR



 

Requiem for a Dream
 
Electrochoc
 

26/08/2002
Obsessions

Nourrie à la télévision et devant la télévision, Sarah, la cinquantaine menaçante, mère veuve d'un jeune junkie, reçoit un jour une lettre qui lui promet un passage à son émission de télé favorite (JUICE, un reality-show typiquement américain). Pour que le rêve soit parfait, elle doit porter pour l'occasion la belle robe rouge que son mari aimait tant. Commence alors dans cet espoir le régime de la fin…

"Purple in the morning, blue in the afternoon, orange in the evening […] green at night. Just like that : one, two, three, four."*

D'espoir en dépendance

Requiem for a dream est-il une chronique du rêve comme échappatoire (destructeur) à la réalité ?
Qu'il s'agisse de Sarah, veuve, délaissée par son fils, ou de son fils justement, Harry et sa petite-amie Marianne, chacun semble enfermé dans une vie sordide que seul un élément extérieur pourrait rendre à l'espoir.
En attendant, il y a le rêve. Pour la première, c'est la télévision, pour les autres, la drogue. Et puis l'espoir se pointe.

Sarah croit trouver un but à sa vie dans une participation prochaine à son émission télévisée favorite et un régime alimentaire à base de cachets de couleur.
C'est pour elle la chance enfin de se sentir exister, pour elle-même d'abord, et également aux yeux de ses voisines qui la regardent d'un autre œil (elle va passer à la télévision) et lui attribuent même la place centrale pour prendre un bain de soleil devant son immeuble. C'est une sorte de consécration en somme, cette reconnaissance tardive après l'indifférence, l'insupportable solitude de son veuvage.

Harry, sa petite amie et son meilleur ami Ty, eux, se droguent, vivant entre rêve et hallucination au rythme des injections de plus en plus fréquentes. L'espoir du trio prend la forme de la poudre blanche dont le commerce leur assurerait des lendemains qui chantent.

Mais les lendemains n'ont pas envie de chanter.

Leurre, cauchemar en conséquences

Les dépendances respectives des héros les entraînent dans une implacable descente aux enfers.
D'autant plus implacable qu'elle est le fruit de l'espoir que nourrissaient les protagonistes.
Oppressant, inquiétant, dérangeant, le film glisse imperceptiblement dans le drame le plus horrifique et le plus total.

Requiem for a dream est un véritable électrochoc. Le drame est insupportable tant on a l'impression de le vivre de l'intérieur, littéralement choquant dans le fond comme dans la forme.
D'autant plus insupportable que tout suscite en nous la compassion alors que la réalité du film la refuse aux protagonistes.

Mise en scène : traumatisme garanti

Aronofsky met en branle un véritable univers sensitif et émotionnel. La musique d'abord, est à la fois douce, mélodieuse et à la fois oppressante, nous maintenant dans un état de malaise permanent. Le drame est latent, et plus il se précise plus on le redoute, plus nous sommes physiquement touchés, concernés, hallucinés…

La mise en condition opérée par ailleurs est également hallucinante. Le réalisateur joue à merveille sur le phénomène empathique. Sarah éveillerait la compassion du plus inhumain des spectateurs : elle est veuve, désespérément seule, adore son fils qui la tourmente, et est de plus naturellement attachante.
Quant à Harry, sa relation avec Marianne, son amitié avec Ty ne peuvent que rendre ces personnages de "paumés" sympathiques à nos yeux. Particulièrement sympathiques, même : ils sont profondément humains.
La performance du quatuor d'acteurs me laisse sans voix. Tout simplement sublime.

Le malaise est un élément clef de la "participation" du spectateur à la réalité du film.
Aronofsky joue sur les effets de mise en scène pour accentuer un malaise qui ne peut qu'exister.
La répétition de scènes identiques (symbole de la dépendance) a l'effet d'un marteau sur nos têtes : les scènes de télévision par exemple. Comment ne pas s'abrutir à force de regarder des shows spécialisés dans le bourrage de crâne ?
Le passage des saisons, les "effets de bocal" (dans le cabinet du médecin notamment), les cris du frigo de Sarah, les schémas répétés des injections de drogue sont insupportables et renforcent la brutalité générale des images, la sensation de cauchemar intérieur vécu par les protagonistes.

Requiem est une chronique acide, ultra-pessimiste, noire, violente de notre besoin d'exister, des multiples dépendances auxquelles nous sommes susceptibles de succomber, de l'autodestruction à laquelle nous nous vouons alors.
Il n'y a dans le film aucune issue, aucune perspective positive, aucun espoir.

Télévision, drogues dures, cachets, alcool, cinéma…
Dépendances.

Certaines scènes me trottent encore dans la tête, et ne sont pas prêtes de s'en aller. Celle de la baignoire par exemple, lorsque Marianne prend un bain, s'immerge dans la baignoire, les yeux fermés, recroquevillée sur elle-même, puis rouvre les yeux dans un cri horrible. C'est l'image du film : apparence fragile de sérénité ou de paix, réveil insupportable et violant. Insupportable. Insupportable. Insupportable.

Je pense qu'il est impossible de ressortir indemne après la projection de Requiem for a Dream.
Osez ! C'est un film unique.

*Violet le matin, bleu l'après-midi, orange le soir, vert pour la nuit. C'est tout simple : 1,2,3,4.


N.B. : Requiem for a dream a reçu de nombreux prix, dont ceux de meilleure actrice pour Ellen Burstyn aux Festival du Film de Boston et de las Vegas, prix pour Darren Aronofsky à Valladolid. Nomination également aux Oscars pour Ellen Burstyn et aux Golden Globes en tant que meilleure actrice.
Ce film a également fait sensation à Cannes où il était présenté hors compétition.


.::Sophie
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